L'Amour malgré Lui
L’amour naît parfois là où l’eau manque, entre la honte et le désir, entre une dispute de voisinage et un regard qui persiste.

Deux âmes sont tombées follement amoureuses l'une de l'autre, scellant la beauté de l'inconnu dans leur parcours. Elles jouissaient de chaque instant, savourant les qualités et les défauts de l'autre.
Qui aurait cru qu'on en serait là aujourd'hui ?
Personne, pas même nous.
- C'est beau, l'inconnu… Je n'aurais jamais imaginé que je serais si attachée à toi.
- Et dire que tu me regardais avec un air dédaigneux.
- Ah ! Ça me brise le cœur que tu dises ça.
- Je le réparerai moi-même. D'ailleurs, laisse-moi le faire tout de suite.
Élise éclata de rire. Sa voix, portée par les arbres, résonna en écho, flottant au-dessus du jardin. C'était une femme qui croquait la vie à pleines dents. Elle n'avait pas de temps pour la peine ni pour le drame. Elle se contentait de chaque petit instant de rire et de joie.
- Hum ! Arrête !
- Viens là.
- Je refuse.
D'habitude, Élise et Dan ne terminaient jamais une journée sans un orgasme. Un de ces orgasmes qu'elle appelait platonique, car elle en sortait épuisée, anéantie. Elle lâchait des cris de plaisir. Il savait la prendre dans toutes les positions, dans tous les sens, et surtout partout : la chambre, le salon, la cuisine, le garage, la terrasse… Sueurs, larmes, salive, eau… tout se mêlait lors de leurs ébats. Elle aimait qu'il la prenne et ne la lâche que lorsqu'elle le suppliait d'arrêter. Un arrêt des mots, pas du corps. Sa bouche criait un non ferme, mais son corps, lui, en redemandait. Ses pensées contradictoires ne lui valaient que des courbatures.
- T'es un amour, lui disait-elle.
- Je sais. Et toi, t'es un ange.
Leur amour n'était pas parfait, mais il durait, parce qu'ils avaient su se surpasser.
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Acte 1 : LA PARCELLE VOISINE
La Ruashi, commune resplendissante. La journée s’annonce ensoleillée. On aperçoit une femme d’allure juvénile. Assise, silencieuse sur une natte, elle a un bol de haricots verts, dont elle assure une séparation des bonnes et mauvaises graines. Elle chantonne. Tout de suite, on l’entend appeler quelqu’un.
- La mère : Élise ?
Une fille apparaît sur la scène, vêtue décemment, avec une robe dépassant légèrement les genoux. Elle agite les membres et semble un peu intimidée par sa mère.
- Élise : Oui, mère.
- Mère : Apporte-moi de l’eau !
- Élise : D’accord.
Disparition de la scène, puis quelques minutes après, un verre à la main, on la revoit.
- Mère : Merci beaucoup. Mais cette eau a un goût bizarre. Dans quel bidon l’as-tu prise ?
- Élise (souriante et désolée) : Mère, il faut croire que personne ne s’occupe plus de l’eau dans cette maison. Quand on sent ce goût-là, c’est la dernière substance qu’on pouvait encore espérer… Imaginez donc.
- Mère : Quoi ? Élise ? Veux-tu dire que ces haricots-là seront cuits avec ma sueur, hein ?
- Élise : Maman, je l’ignore, pour être honnête. Mais on peut toujours trouver une solution.
- Mère : Va donc me chercher ne serait-ce qu’un bidon chez les Dan.
La Ruashi est une commune où les gens vivent dans une atmosphère conviviale. En deuil comme en fête, on sent la force du voisinage. Les parcelles sont séparées seulement par de Lusonga. On peut facilement suivre le cours de la journée des uns et des autres sans se déplacer. Mais dans cette atmosphère conviviale, une denrée est rare et fait souvent l’objet de bagarres : l’eau. Elle se cherche comme l’or, s’utilise comme de l’essence et se recherche comme la réponse à une énigme. Le cercle vicieux est assuré.
Voilà Élise, qui prend un bidon de vingt litres et traverse chez les Dan, ses voisins d’en face. Elle y va souvent puiser de l’eau. Une foule entoure les trois tuyaux. Un jeune homme surveille les voisins venus de toutes les rues, qui ne repartent parfois qu’avec un litre. Sinon, c’est la catastrophe. Dan, se nomme-t-il. Et il fait la loi. Élise, arrivée ici depuis peu, attend son tour calmement.
- Dan : Si vous vous chamaillez encore, nakata mayi, et chacun chez lui, ok ?
La surprise est générale. Jeunes et vieux, mamans et filles, tous se taisent. Élise s’avance enfin.
- Dan : Eh, jeune fille ? Yako ?
- Élise : Comment ?
- Dan : Mayi ? Mais ce n’est pas gratuit, tu crois quoi ?
- Élise : Ya Dan… J’ai oublié. Je te le ramène en revenant.
- Dan : Retire ton bidon, tu ne puises pas. Les autres, continuez.
- Élise : Mais… je ne suis pas loin. Chez nous, c’est juste à côté.
- Dan : Avoir sa maison près du paradis ne t’exclut pas du jugement dernier… Du vent !
Élise s’en va, honteuse. Le bidon à peine plein.
- Mère : Tout ce temps pour un tel résultat ?! s’exclame-t-elle, les mains sur les hanches.
- Élise : J’ai oublié l’argent, et Ya Dan a été catégorique. Je viens donc…
- Mère : Élise, ma fille… un jour tu vas t’oublier toi-même ! Tu as intérêt à revenir avec un bidon bien plein. Kotola tuu… Utanipapa.
- Élise : (Elle ressort rapidement avec le bidon, échappant aux griffes de sa mère.)
À peine arrivée chez Dan, c’est la dernière personne à puiser.
Dan et Élise s’observent. Les yeux parlent, les bouches se taisent. Élise tente de s’approcher d’un tuyau.
- Dan : Courageuse, azanga té, c’est ça hein ?
- Élise : Eh, ya Dan, juste un bidon. Voici l’argent.
- Dan : Écoute-moi bien : je voudrais t’aider, mais l’eau ne sera disponible que demain matin. Je te conseille d’aller puiser du côté du colonel Tshatshi.
- Élise : Njo nikome…
- Dan (sourire moqueur, ferme l’eau) : (La présence d’Élise l’énerve.)
Élise retourne chez elle, malgré elle. Elle n’a ni ailes, mais rêve de voler pour échapper à sa mère. Et les haricots verts ? Avec quoi vont-ils cuire ? La jeune fille se sent sans espoir.
C'était L’AMOUREUX MALGRÉ LUI première partie.
A suivre...
JEHONISSI SALUMU et BERNARD MASELE
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