Lettres à un jeune poète, lecture de Don Abetcha

0 85 17.03.2025 Introduction

« Lettres à un jeune poète », un échange, sur la création, l'inspiration, l'écriture, mais aussi sur les tourments de l'amour, de la mort et de la solitude.

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I. Presentation du livre

Lettres à un jeune poète

Auteur: Rainer Maria Rilke

Pays : Autriche

Genre : Épistolaire

Éditeur : Insel

Lieu de parution : Leipzig

Date de parution : 1929

Ces dix lettres sont adressées par le poète, entre 1903 et 1908, à un jeune homme qu'il ne connaît pas, Franz Xaver Kappus, cadet à l'école militaire de l'Empire austro-hongrois qui l'a sollicité. Elles furent éditées en traduction française chez Bernard Grasset en 1937. C'est Kappus lui-même qui souhaita publier ces lettres, en mémoire de la mort de Rilke. La réédition de 1987 dans la collection des « Cahiers rouges » de Grasset souligne la portée de ce « véritable guide spirituel », de ce « manuel de la vie créatrice de portée universelle ». La réédition de 2020 par Erich Unglaub permet de mettre en regard les 13 lettres de Franz Xaver Kappus.

A. Synopsis 

Pour résumer le livre, il s’agit d’un ensemble de dix lettres, réponses de Rilke, un poète confirmé à Franz Kappus, un jeune poète. Pour la petite histoire, ce dernier n'a pas vingt ans lorsqu'il décide d'écrire à son aîné qui avait une certaine légitimité dans le milieu.

En effet, il apprend en discutant avec l'aumônier de l'École militaire élémentaire de Sankt Pölten, où il étudie, que Rilke l'avait fréquentée avant lui. Fort de cette découverte, le jeune élève officier s'adresse au poète pour répondre à ses doutes, espérant trouver un confident susceptible de l'aider à surmonter l'alternative qui le tenaille : la carrière militaire ou les risques de la poésie. 

B. Personnages

- L’expéditeur : Rainer Maria Rilke,

- Le jeune poète : Franz Xaver Kappus,

- Le médiateur, Horacek, aumônier de l’Académie militaire de WienerNeustadt.

II. Notre regard technique

Le thème de la lettre à un jeune poète est une extension d’un thème beaucoup plus universel dans le sens où dans chaque métier, au cours de l’histoire, quelques habilles artisans avaient tendance à cristalliser par écrits sous forme de recommandations ou de traités les subtilités de leurs métiers qu’ils n’ont découvert qu’à force de l’exercer et qu’ils auraient voulues apprendre lorsqu’ils avaient eux-mêmes embrassé lesdits métiers afin de guider les générations futures à ne pas tâtonner en perdant du temps à découvrir ce que le temps leur enseignera en cas de persévérance. Ainsi comme Azazel, mon ange déchu préféré, ils donnent la connaissance interdite dès le départ afin de donner à l’apprenti poète dans notre cas les outils nécessaires afin de produire des œuvres de qualité, car ils se disent que si le jeune poète finira par découvrir de toutes les façons avec le temps tous les outils nécessaires afin d’avoir les moyens de ses ambitions alors il n’est rien qui les empêcheraient de lui donner les rudiments dès l’entame de sa carrière afin qu’il parvienne à innover, à renouveler et à pérenniser l’art ou leur métier.

Malheureusement, - et à moins que je ne me trompe-, la relève est souvent laissée à son triste sort dans notre pays. Les anciens veulent être les seuls à détenir le monopole du savoir-faire à défaut de celui du savoir tout court. L’histoire se répète jusqu’à ce qu’on en tire des leçons, alors, message aux écrivains assis qui lisent ces mots : tenez la main que vous tend la future génération (voire vos contemporains débutants) tant à la conseillant ou la critiquant, qu’en lui donnant les abécédaires de votre art. Jeune, je me suis longuement répété cette phrase : on reconnait un grand roi qu’à sa succession. Cette phrase du jeune moi veut dire que vous serez grands qu’en aidant les autres à grandir en suivant votre vision des choses, lancez des tendances, ne freinez pas l’élan des jeunes poètes de grâce !

Pour revenir au livre, son plus grand défaut réside dans le fait que cette correspondance ne se consacre qu’à peine aux problématiques techniques de la création poétique : le grand poète esquive plus ou moins cette charge en renvoyant sans cesse le jeune poète à les chercher et à les comprendre par lui-même pour mieux être sûr d’après notre entendement qu’il est fait pour être poète. Ainsi, à en croire le livre, on apprend pas à être poète, on nait poète, du moins l’on décide de l’être seul sans le secours d’aucune main, c’est une fois que l’on veut passer à l’action que l’on peut chercher à comprendre les tenants et les aboutissants des grands courants poétiques afin de choisir celui qui nous convient et qui respecte notre vision de la poésie. Il est donc vain de forcer quelqu’un à devenir poète en enrichissant son vocabulaire ou en le rendant éloquent, la poésie tient si peu du verbe et beaucoup de l’expression des ressentis, et malheureusement, nul ne peut former quelqu’un d’autre à se livrer, au pire on peut former un jeune poète à soigner la forme de sa poésie mais jamais le fond, car le fond d’un poème est le cri sincère de l’âme de tout un chacun. A en croire la septième lettre : « Mais l'apprentissage est toujours une longue période, une durée à part », pour dire, l’on ne devient pas poète du jour au lendemain, il faut d’abord que l’on soir sûr de l’appel, que l’on se rassure que l’on est capable de faire de la poésie et le plus important que l’on a quelque chose à dire car l’art nait de l’utilité. 

Le point fort du livre est l’appel que fait le grand poète au jeune poète de chérir les états émotionnels qui concourent à la création poétique notamment la solitude dont pour sa maitrise, il l‘appelle souvent à s’interroger la nuit sur lui-même ou carrément à écrire la nuit, la nuit qui est vue comme le moment le plus solitaire du jour. Il l’appelle aussi à la saisie authentique du monde, c’est-à-dire qu’il lui demande de voir le monde avec ses propres yeux, ses propres défauts et non à chercher à le voir avec les yeux aguerris de quelqu’un d’autre de plus expérimenté. C’est là que beaucoup tombent, le très grand Aimé Césaire disait : « d’une identité réconciliée avec l’universel, pour être universel, il fallait nier que l’on est nègre, au contraire, je vous disais : plus on est nègre, plus on sera universel ». C’est là loi de la nature, l’on n’a pas besoin de refuser ce que l’on ressent et d’embrasser ce qui est déjà fait pour être un poète, au contraire, c’est en chantant notre ressenti, aussi original soit-il que l’on sera poète aux yeux du public. 

Il lui parle aussi de l’amour tant sensuel, charnel, que sublime mais lui défend de commencer la rédaction de ses poèmes en parlant d’amour car c’est un thème très récurrent en poésie et commencer par-là desservirait le jeune poète car il y a des grands poètes qui l’ont tellement fait que ses écrits passeront pour de la rimaille de seconde zone. Il lui conseille aussi de chérir la tristesse et la mélancolie. Au risque de choquer, à mon sens tous les beaux poèmes sont en majorité couverts de l’une ou l’autre si ce n’est les deux à la fois, pour cause, la joie et l’allégresse sont des états les plus exprimés en public par les humains, on dirait qu’il n’y a aucune honte, aucune gêne à les ressentir, au contraire, tout le monde les hurle au reste du monde avec fierté mais quant à la tristesse et la mélancolie, les deux sont souvent privées, souvent niées et cachées, et leur expression tient de la confidence envers le public ainsi ce dernier en raffole, qui sait, peut-être que le reste du monde aimerait les exprimer mais manque juste de mots et recoure à la poésie pour avoir les mots susceptibles à les exprimer à l’avenir. Comme le note Marc B. de Launay dans sa présentation de l'ouvrage, il est important pour le jeune poète d’acquérir l’acceptation d’une certaine forme d’intégration superficielle – juste de quoi dépasser l’opposition vaine entre conformisme et anticonformisme, - l’acceptation de ce qu’on est véritablement, ou comme dirait le grand poète de ne pas se laisser décourager par la critiquer ni se baser sur elle non plus, d’avoir assez confiance en soi pour oser croire que l’on est sur la bonne voie. Et à en croire l’article wikipédia consacré à l’ouvrage, c’est pour cette raison-même, que les Lettres à un jeune poète de Rilke sont considérées par le critique et écrivain Roland Barthes comme une « œuvre du Vouloir Écrire (scripturire) » : l'un de ces textes qui permettent à ceux qui n'ont pas encore écrit, mais qui en ressentent le désir, sinon le besoin, de franchir le pas et de se lancer dans une carrière d'écriture.

III. Que doit retenir un jeune poète ?

A. Quelques questions en lein avec le livre

I. Les nôtres

1. Quant à la question de savoir s’il a du talent, s’il est appelé à écrire, s’il est destiné à devenir écrivain, le grand poète répond : « Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d’écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « Je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité ».

2. Comment écrire un poème lorsqu’on entame à peine sa carrière ? Le grand poète répond : « Alors, approchez de la nature. Essayez de dire, comme si vous étiez le premier homme, ce que vous voyez, ce que vous vivez, aimez, perdez. N’écrivez pas de poèmes d’amour. Évitez d’abord ces thèmes trop courants : ce sont les plus difficiles… Dites vos tristesses et vos désirs, les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté. Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble. Utilisez pour vous exprimer les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs ».

3. Que faire quand rien autour ne m’inspire ? Le grand poète répond : « Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le créateur rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres, indifférents. Même si vous étiez dans une prison, dont les murs étoufferaient tous les bruits du monde, ne vous resterait-il pas toujours votre enfance, cette précieuse, cette royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez là votre esprit. Tentez de remettre à flot de ce vaste passé les impressions coulées. Votre personnalité se fortifiera, votre solitude se peuplera et vous deviendra comme une demeure aux heures incertaines du jour, fermée aux bruits du dehors ».

4. Comment savoir que mon art vaut la peine d’exister ? Le grand poète répond : « Une œuvre d’art est bonne quand elle est née d’une nécessité. C’est la nature de son origine qui la juge. Aussi, cher Monsieur, n’ai-je pu vous donner d’autre conseil que celui-ci : entrez en vous-même, sondez les profondeurs où votre vie prend sa source. C’est là que vous trouverez la réponse à la question : devez-vous créer ? De cette réponse recueillez le son sans en forcer le sens. Il en sortira peut-être que l’Art vous appelle. Alors prenez ce destin, portez-le, avec son poids et sa grandeur, sans jamais exiger une récompense qui pourrait venir du dehors. Car le créateur doit être tout un univers pour lui-même, tout trouver en lui-même et dans cette part de la Nature à laquelle il s’est joint ».

5. Comment savoir que je ne suis pas poète ? Que je ne suis pas fait pour être poète ? Le grand poète répond : « (Il suffit, selon moi, de sentir que l’on pourrait vivre sans écrire pour qu’il soit interdit d’écrire.) ».

6. Que faire pour vaincre la feuille blanche ? Le grand poète répond : « D’abord de l’ironie. Ne vous laissez pas dominer par elle, surtout à vos heures de sécheresse… La seconde chose dont je voudrais vous entretenir est la suivante : De tous mes livres peu me sont indispensables : deux sont toujours parmi les choses à ma portée, où que je sois. Ici même ils sont près de moi. Ce sont : la Bible et les livres du grand poète danois Jens Peter Jacobsen ». (pour le paraphraser, il veut à ce que le jeune poète ne se laisse pas entrainer par la facilité offerte par l’ironie d’une part et de l’autre, il l’appelle à toujours lire quelques livres aux univers fleuves, des livres aux mille histoires… D’ailleurs je vous recommande les mille et une nuits et les œuvres d’Alexandre Dumas père).

7. Que pensait-il des critiques ? Le grand poète répond : « Lisez le moins possible d’ouvrages critiques ou esthétiques. Ce sont, ou bien des produits de l’esprit de chapelle, pétrifiés, privés de sens dans leur durcissement sans vie, ou bien d’habiles jeux verbaux ; un jour une opinion y fait loi, un autre jour c’est l’opinion contraire. Les œuvres d’art sont d’une infinie solitude ; rien n’est pire que la critique pour les aborder. Seul l’amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles ».

8. Que faire lorsque la critique ne va pas dans le sens de notre jugement ? Le grand poète répond : « Donnez toujours raison à votre sentiment à vous contre ces analyses, ces comptes rendus, ces introductions. Eussiez-vous même tort, le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance. Laissez à vos jugements leur développement propre, silencieux. Ne le contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. »

9. Comment entretient-on son génie ? Le grand poète répond : « (c’est là une des plus dures épreuves du créateur : il doit rester dans l’ignorance de ses meilleurs dons, ne pas même les pressentir, au risque de la priver de leur ingénuité, de leur virginité) ».

10. Comment savoir que mes vers sont bons ? Le grand poète répond : « Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d'écrire. […] Creusez en vous-même jusqu'à trouver la raison la plus profonde. […] Et si de ce retournement vers l'intérieur, de cette plongée vers votre propre monde, des vers viennent à surgir, vous ne penserez pas à demander à quiconque si ce sont de bons vers».

II. Celles des internautes

1. Pourquoi lire Lettres à un jeune poète par Rainer Maria Rilke ?

Lettres à un jeune poète pourrait nous laisser croire qu’il ne s’agit que de littérature. Mais ce recueil est bien plus que cela. La philosophie et la spiritualité vont également de pair dans ces missives, dans lesquelles Rilke réfléchit à des thèmes humains tels que l’amour, la foi et le besoin de chercher et de trouver des réponses. C’est peut-être le traitement pur, profond, naturel et intime de ces thèmes qui rend l’ouvrage si intéressant à lire. Rilke parvient à nous faire sentir qu’en tant que lecteurs, nous sommes les destinataires de ses épîtres.

2. Que dit le poète Rilke à propos de la patience ?

Pourquoi cette précipitation ? Non seulement nous nous déplaçons dans l’urgence, mais nous vivons dans l’urgence. Pour Rilke, le manque de patience, le fait de vouloir tout maintenant et de ne pas se permettre d’analyser nos sentiments, nous conduit à la peur et à éviter les problèmes au lieu de vivre avec eux. La grande leçon que l’auteur nous laisse dans ses lettres est que ce n’est qu’en les affrontant avec sérénité et avec la certitude qu’ils passeront que nous trouverons une solution. Pour ce faire, il est important de cultiver notre patience et atteindre la maturité intérieure et émotionnelle avec laquelle les réponses nous seront présentées.

3. Que dit le poète Rilke à propos de la solitude ?

L’un des aspects centraux dans les lettres, c’est la solitude. C’est de la solitude que naissent, selon l’auteur, les œuvres d’art. Il ajoute que c’est également la seule façon de le juger. Ainsi, Rilke inclut l’une des réflexions les plus intéressantes des Lettres à un jeune poète. Le sujet de la critique littéraire. Pour l’auteur, critiquer un poème du point de vue de l’académisme et des mots est absurde. La seule façon de juger un poème ou toute autre œuvre d’art est de se baser sur le sentiment intérieur et non sur le conventionnalisme ou les pressions extérieures.

4. Que dit le poète Rilke à propos du sens de la vie dans Lettres à un jeune poète ?

Pour le poète Rilke, le sens de la vie a beaucoup à voir avec l’écriture. Il soutient que, si vous êtes vraiment un écrivain, vous ne pouvez pas imaginer une vie sans écriture, car ce serait une nécessité pour vous. Rilke pense que, comme un enfant, un poète ou tout autre type d’artiste, est capable de voir le monde avec curiosité, loin des conventions et des habitudes acquises. Par conséquent, il estime que la vie doit, de manière redondante, être vécue comme on souhaite la vivre.

5. Que dit le poète Rilke à propos de l’amour ? Une autre des remarquables réflexions de Rilke dans Lettres à un jeune poète est celle de l’amour. De nos jours, nous attribuons les ruptures et les échecs dans les relations à un manque de communication avec l’autre. Cependant, Rilke nous montre une fois de plus qu’en réalité, l’échec de la communication se fait avec nous-mêmes. On ne peut pas être en couple si on ne sait pas être seul. Car c’est là que l’on trouvera les réponses et le moyen de se donner complètement à l’amour.

B. Resume du livre

Lettre I

Dans cette première lettre, Rilke écrit en réponse au jeune Kappus qui lui demande de critiquer ses poèmes. On peut tout de suite comprendre que Rilke esquive cette demande en refusant de critiquer ses lettres au contraire, il renvoie le jeune poète à devenir son propre critique et d’arrêter de poser des questions mais de découvrir par lui-même, de se forger son propre jugement et de cesser de se laisser influencer par ce que les autres pensent de son travail. Espérant qu’une fois arriver à ce niveau-là, le jeune poète peaufinera ses poèmes non pas en suivant les opinions des autres mais son ressenti. Dans cette première lettre on peut aussi comprendre que Rilke prend position contre le travail du critique littéraire qui, d’après lui est superficiel et instable.

Lettre II

Dans cette lettre, Rilke revient sur le fait que Kappus ne trouvera pas de réponses à ses questions en lisant ses réponses mais en les cherchant dans la solitude. Il l’appelle aussi à user de la solitude afin de peaufiner sa plume. Il se confie à lui en disant qu’il se ressource lui-même souvent en lisant la bible et les œuvres de Jens Peter Jacobsen, mais en même temps il le met en garde de trop lire les autres au risque de se perdre mais de choisir soigneusement ses sources s’il tient à apprendre. 

Lettre III

Rilke est content de savoir que Kappus a lu Jacobsen. Rilke assène encore un coup à la critique littéraire, en ces mots : « Lisez le moins possible d’ouvrages critiques ou esthétiques. Ce sont, ou bien des produits de l’esprit de chapelle, pétrifiés, privés de sens dans leur durcissement sans vie, ou bien d’habiles jeux verbaux ; un jour une opinion y fait loi, un autre jour c’est l’opinion contraire. 

Mais le droit de se contredire tant reconnu aux grands hommes, il s’érige lui-même en critique littéraire lorsqu’il parle du travail d’un autre auteur, Richard Dehmel, dont il estime les poèmes quelques fois pleins de passion mais souvent dépourvus de profondeur. Il s’explique en ces termes : « Quand la puissance qui subjugue son être rencontre la sexualité, elle ne trouve pas en Dehmel un homme aussi pur qu’il le faudrait. Son monde de l’amour n’est pas tout à fait mûr, pas tout à fait purifié, pas assez humain ; ce n’est que l’instinct du mâle : c’est du rut, de l’ivresse, de l’inquiétude : il est chargé de ces façons et de ces préjugés qui défigurent l’amour. Parce qu’il n’éprouve l’amour qu’en mâle, et non en homme, il y a en lui quelque chose d’étroit, de sauvage, dirai-je, de haineux, de passager : il y a du « non éternel » qui rabaisse son art et le rend équivoque et douteux ». Ainsi donc, Rilke aimerait que le poète évoque l’amour de façon hermaphrodite et non masculine ou féminine, mais juste humaine donc les deux à la fois.

Lettre IV

Dans cette lettre, Rilke ramène le jeune poète à se ressourcer dans les choses les plus simples du monde pour cueillir leurs sentiments de façon originale. Rilke estime que la quête est bien plus importante que la finalité, qu’il faut penser à chérir les questions au lieu d’être pressé d’y répondre, en cela nous estimons qu’il lui fait aussi l’éloge de la patience dans son apprentissage. Il appelle aussi le jeune poète à comprendre le sexe dans sa solitude non pas physiquement mais bien mentalement car s’il adopte l’idée que le grand nombre fait du sexe notamment en séparant les deux genres, son approche du sexe ne sera que superficiel. 

Lettre V

Dans cette lettre, Rilke revient sur les causes justifiant la mélancolie face à l’art et la culture de la Rome antique, il trouve que cela témoigne de la pauvreté de l’art de notre époque qu’il juge presqu’en tout point inférieur à l’art romain. Mais tout n’est pas que noir sur son tableau, il fait aussi l’éloge de la beauté d’autres monuments plus modernes de la ville, comme les fontaines qui laisserait envisager que l’art moderne n’est pas toujours inférieur, il est différent, original et beau à sa manière. 

Lettre VI

Cette lettre tombe à Noël, alors Rilke, l’occasion faisant le larron, appelle le jeune poète à ressusciter son âme d’enfant pour savourer sa solitude ainsi donc comme Peter Pan, il sera en mesure de faire preuve de curiosité comme un enfant étranger au mode de vie et de réflexion des adultes. Il appelle aussi le jeune homme de chercher Dieu dans sa solitude. Et de ne pas s’accabler à cause de son train de vie de militaire, en lui faisant comprendre que la vie est dure pour tout le monde, que chacun fait face à ses défis. 

Lettre VII

Il faut attendre cette septième lettre pour que Rilke reprenne sa casquette de critique en commentant les poèmes non pas de Dehmel mais du jeune poète Kappus. Il lui complimente pour son évolution en lui faisant comprendre que les derniers vers qu’il lui a envoyés sont de loin ses meilleurs. Il revient encore sur l’entretien de la solitude et de son utilisation lors de la création des poèmes. Il lui parle d’amour, surtout l’amour de jeunesse, il lui conseille de le vivre avec sérieux car le prendre à la légère fausserait sa vision de l’amour.

Lettre VIII

Dans cette lettre Rilke n’hésite pas de rappeler au jeune poète l’importance de la solitude. Et en bon stoïcien, il le pousse à accepter sa tristesse et à faire avec le fait qu’il est solitaire malgré lui. Lutter contre sa propre réalité serait un combat vain au bout duquel le jeune poète n’en sortira que perdant. Cette huitième lettre est littéralement une prédication du stoïcisme notamment lorsque Rilke dit : « Nous n’avons aucune raison de nous méfier du monde, car il ne nous est pas contraire. S’il y est des frayeurs, ce sont les nôtres : s’il y est des abîmes, ce sont nos abîmes ; s’il y est des dangers, nous devons nous efforcer de les aimer. Si nous construisons notre vie sur ce principe qu’il nous faut aller toujours au plus difficile, alors tout ce qui nous paraît encore aujourd’hui étranger nous deviendra familier et fidèle ».

Lettre IX

Dans cette avant-dernière lettre, Rilke, lucide, s’interroge sur l’apport de ses lettres dans l’évolution du jeune poète à court terme. Mais la chose à retenir dans cette lettre est contrairement à la précédente : les sentiments. Il en parle en ces mots : « Pour ce qui est des sentiments, purs sont tous les sentiments sur lesquels vous concentrez votre être entier et qui vous élèvent ; impur est un sentiment qui ne répond qu’à une partie de vous-même et par conséquent vous déforme. Tout ce qu’il vous advient de penser quand vous vous reportez à votre enfance est bon. Tout ce qui fait de vous plus que vous n’était jusqu’ici, dans vos heures les meilleures, est bon. Toute exaltation est bonne si tout votre sang y participe, à la condition qu’elle ne soit pas simple ivresse ou trouble, mais une joie claire, transparente au regard jusqu’au plus profond ! Comprenez-vous ce que je veux dire ? Votre doute lui-même peut devenir une chose bonne si vous en faites l’éducation : il doit se transformer en instrument de connaissance et de choix. Demandez-lui, chaque fois qu’il voudrait abîmer une chose, pourquoi il trouve cette chose laide. Exigez de lui des preuves. Observez-le : vous le trouverez peut-être désemparé, et peut-être sur une piste. Surtout n’abdiquez pas devant lui. Demandez-lui ses raisons. Veillez à ne jamais y manquer. Un jour viendra où ce destructeur sera devenu l’un de vos meilleurs artisans, – le plus intelligent peut-être de ceux qui travaillent à la construction de votre vie ».il en ressort que le doute est le meilleur outil à la disposition du jeune poète afin de mieux critiquer et comprendre ses propres poèmes. 

Lettre X

Dans sa dernière lettre, Rilke semble heureux de recevoir des nouvelles visiblement bonnes de la part du jeune poète. On retient dans cette dernière lettre que : « L’art, lui aussi, n’est qu’un mode de vie. On peut s’y préparer sans le savoir, en vivant de façon ou d’autre. Dans tout ce qui répond à du réel on lui est plus proche que dans ces métiers ne reposant sur rien de la vie, métiers dits artistiques, qui, tout en singeant l’art, le nient et l’offensent ». Ainsi donc le plus important n’est pas d’embrasser les multiples façons de pratiquer un art mais au contraire de rentrer en soi-même afin de comprendre les raisons qui nous poussent à devenir écrivain car une fois que l’on trouve une façon d’exprimer notre ressenti dans un style qui nous est propre, on n’a besoin d’aucune critique ni de nous baser sur ce qui se fait pour être sûrs que l’on est vraiment un poète. 

IV. Conclusion

S’il faut retenir quelque chose du livre, jeunes Padawans, sachez que le grand poète veut nous faire comprendre que l’écriture poétique ou non ne peut venir que de l’intérieur d’une personne, du plus profond de son être et pour cela il est nécessaire de mûrir seul en s’enrichissant comme on peut, de chérir la solitude pour mieux pouvoir sonder de ses plus grands sentiments jusqu’à la moindre de ses émotions afin de pouvoir les exprimer à notre façon.

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Don Joam'S

Outre sa passion pour la poésie classique, il est nouvelliste, essayiste, parolier, et mélomane.

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