Nous, le cri du Poète-charrue Hommage à Emmanuel Eta-Onka

Il avançait dans la glaise du siècle, la plume au poing comme un soc, labourant les mensonges, retournant les silences fossilisés des peuples qu’on oublie.

Il n’écrivait pas : il saignait en lettres.

Il ne parlait pas : il creusait la langue pour qu’en surgissent les morts non enterrés.

Eta-Onka ! Tu n’étais pas un scribe, tu étais une faille.

Tu n’étais pas un auteur, tu étais une secousse.

Tu faisais parler les pierres.

Tu redressais les mots tordus par la servitude.

Tu faisais lever, dans chaque vers, une armée de douleurs debout.

Ils avaient des micros ; toi, tu avais des fourmis dans la bouche et des ouragans dans la poitrine.

Ils avaient des salons ; toi, tu avais le bitume, la case, l’interstice, et tu écrivais là où brûle la vérité nue.

Tu n’étais pas de ceux qui chantent l’oubli avec des partitions vides.

Tu n’étais pas de ceux qu’on invite aux banquets du silence.

Tu étais le sel dans la plaie de la mémoire,

Le brasier qu’on tente d’éteindre avec des discours creux,

L’épine logée dans le talon des puissances.

Chaque mot de toi avait le goût de la poussière et le parfum des insurrections.

On t’a dit : « Adoucissez votre langue, Mon Général. »

Tu as répondu : « Je n’ai que le feu. »

On t’a dit : « Écrivez des choses utiles. »

Tu as répondu : « La seule utilité de ma poésie, c’est de déranger les morts bien rangés. »

Et tu écrivais. Comme on plante des croix.

Comme on tresse des lances.

Comme on tisse des linceuls pour les vérités noyées.

Mais nous sommes là : nous, les veilleurs du feu, les héritiers de ta braise.

Et nous dirons ton nom, Eta-Onka, sur toutes les lèvres qui refusent le bâillon.

Ton verbe vit dans le corps nu des révoltes.

Ton nom s’écrit dans la houle des consciences insurgées.

Et même si le monde s’endort dans des berceuses de luxe,

Nous serons ton réveil.

Nous serons ta machette.

Nous serons ton cri.

Malachie Cyrille NGOULOUBI,

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