Oraison funèbre de Ecce Sanctus en hommage à son ami le grain de céréale, au cimetière chez La Jolie à Bandal
Il n’était qu’un grain de blé, il est devenu mémoire liquide, rire pétillant et ivresse partagée : preuve qu’une vie, si petite soit-elle, peut finir en légende.

Mesdames, Messieurs, amateurs de mousse et poètes de la soif,
Rassemblons-nous aujourd’hui, non pour pleurer une perte, mais pour célébrer une vie bien levée.
Car il fut petit, certes, un simple grain de céréales, mais il eut une destinée plus grande que nature. Ce grain, ce héros anonyme du champ, ce lutteur doré des moissons, n’a pas fini dans un silo obscur ni dans une soupe tiède… Non ! Il a connu le feu sacré, le bain de malt, la fermentation mystique… et enfin, l’apothéose : la pinte glacée.
Il aurait pu rester là-bas, parmi ses frères, rêvant de galettes ou de farine, menant une vie honnête mais fade. Mais non. Lui, il a entendu l’appel. Il a dit : "Je veux fermenter pour la joie des hommes !"
Et il est parti, noble et nu, droit vers la cuve.
Ô grain courageux, ô froment vaillant, toi qui as traversé broyage et macération, toi qui as su souffrir la levure et l’ébullition, tu as donné ton sucre avec bravoure. Tu as moussé pour nos rires, pétillé pour nos retrouvailles, et doré nos soirs d’été.
Il y a dans chaque gorgée un peu de toi, ô martyre volontaire de la fête.
Tu n’étais qu’un grain, tu es devenu légende.
Tu n’étais qu’amidon, tu es devenu ivresse.
Tu n’étais qu’un soupir de la terre, tu es devenu un rot joyeux.
Repose en paix, ô grain glorieux,
dans la fraîcheur mousseuse des verres levés à ta mémoire.
Tu es tombé, non dans l’oubli, mais dans un frigo bien garni.
Et tant que la bière coulera, tu vivras.
À toi, grain sacré… santé.
Nzau Lembe
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