Souvent, je prévois des choses à dire, et souvent, je ne les termine pas.

0 29 02.07.2025 Introduction

La littérature, Père, c’est ce monde que je bâtis quand le réel m’échappe. Un monde que je contrôle à 80% , quand celui d’ici me secoue comme une feuille morte au gré du vent. C’est là que je me réfugie, quand les bus passent, que les jours ratent leurs rendez-vous, et que l’amour trébuche sur des bâtons qu’on n’a pas semés.

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Souvent, je prévois des choses à dire, et souvent, je ne les termine pas. À cause du bus qui me dépose pendant que je te parle, souvent sur mon chemin de retour comme aujourd’hui, ou à cause du sommeil, ou du temps d’aller enseigner.

Aujourd’hui, je compte te parler, même en dehors du bus. J’ai circulé un peu partout, j’ai même failli gagner puis raté un billet de 25 $. J’ai mené des interviews, j’ai discuté lors du thé littéraire. J’ai aimé l’ambiance, et surtout les questions posées à Lwango. Par exemple : « Qu’est-ce que la littérature ? » Il a répondu, en gros, que c’est l’ensemble du patrimoine écrit d’un peuple, d’une nation. C’était son point de vue.

Père, moi, je pense que la littérature, c’est cette capacité qu’a un homme de se créer un monde un peu semblable au sien, ou à celui qu’il aimerait habiter ; tout en laissant ce monde ouvert, de façon que lui et les autres puissent y entrer et en sortir à loisir. Et lorsqu’ils y entrent, ils y voient ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent voir. En quittant ce monde, le littéraire comme les autres peuvent emporter tout ce qu’ils y trouvent, sans jamais l’épuiser. Ce monde, je peux le créer avec tout ce qui est art.

C’est le seul monde sur lequel j’ai un certain contrôle, Père. Si ce n’est pas à cent pour cent, au moins à quatre-vingts. Le monde réel, celui dans lequel je vis, lui, est incontrôlable. Il est tellement pesant qu’il vagabonde, bouge, se tord, nous secouant comme des feuilles mortes au gré du vent. On se mélange aux autres, et on veut s’accrocher à eux. On se crée l’illusion de la stabilité, de l’enracinement. On cause, on s’imagine se connaître, et dans cette sorte de caricature de prise de connaissance, on se donne des raisons de s’attacher, de résister à ce vent qui nous fait tourner, qui nous transporte. Et pendant que ce vent apporte d’autres feuilles, pendant qu’il nous balance de plus en plus fort, Père, nous autres, nous voulons toujours nous attacher.

Et la lenteur de cet attachement, doublée de son triomphe apparent,  celui de résister au vent, est une raison de plus pour souffrir. J’en ai l’habitude, et pourtant je continue de me morfondre.

Elle devait finir dans mon lit, d’après ce que j’avais prévu hier. Pourtant, au final, j’ai traîné, et elle n’a plus pu sortir. J’ai compris qu’elle peut m’aimer, mais cette poisse est si forte qu’elle me mettra toujours des bâtons dans les roues. Je ne sais pas si je tiens ça de toi, mais bon, jusqu’à présent, je n’y peux rien.

Elle me manque. Je vais manger, puis je lui écrirai.

C'était un certain 14 juin 2025 à 18h11


Le grand-père

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Lasana Kisala Kalulo

Lasana Kisala, écrivain et conteur lushois.

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