Totelema
Lenfant Noir, un artiste engagé dans l'art de la scène, abattu en rentrant chez lui un 17 mai, devient le symbole d’une lutte pour la reconnaissance et la survie de la vie d’artiste au Congo : TOTELEMA.

C’était la fin de la journée. À l’horizon, un soleil allant paisiblement se coucher derrière la haute cheminée de la Gécamines laissait place à l’arrivée de Dame la Nuit. Bientôt, Lubumbashi serait dans le noir. Nous nous disions alors tous un au revoir à la va-vite.
Les uns prenaient la route vers la Gécamines, d’autres vers Ruashi, certains vers Kampemba, Katuba ou Kamalondo, chacun rejoignant allègrement cette maison qu’il avait quittée souriante, et où l’attendaient les siens.
Contre toute attente, un coup. Un tonnerre d’effroi nous frappe. Une ombre glaciale nous effleure la peau. Les poils se dressent. Puis retombent. Un calme étrange s’installe. Une sensation soudaine de faim. Le ventre crie famine. La chair de poule réactive nos palpitations. Mais on s’était pourtant bien quittés. Que se passe-t-il ?
À peine arrivé, après avoir demandé notre part du repas à notre plus jeune sœur… un message. Puis une sonnerie d’appel. Répondre ou non ? Le doute s’installe. La table est prête. L’appétit tarde à venir. Appel manqué. Ça recommence. Répondre devient la seule solution. Sinon, rien ne se saurait.
- Masta, masta… masta…, dit-on à l’autre bout du fil…
Le cœur bat. Il bat si vite. Il palpite. Il gémit maintenant. Que se passe-t-il ?
La frayeur ressentie tout à l’heure… donc ? Non. Je ne peux l’admettre.
Mais on était ensemble. On était pamoya, masta. Nous avions prévu de faire, de finir, de nous retrouver pour…
- Oui, mais…
- Non. Comment ça ?
- Par balle.
- Ah gars… Miza !
- Blaguer avec la fin d’une vie ? Vraiment…
- Donc, Noir de sang,
- Lefant Noir… Tout devient noir, d’un coup ?
- Ils ont mis fin…
- Banani ?
- Militaires. Les témoins l’ont dit. Oui. Ils l’ont fait taire.
Non. Non. Il devait vivre. Il aurait pu au moins voir son épanouissement. Son ascension…
Lenfant Noir, alors qu’il rentrait paisiblement chez lui, fut brusquement confronté à des hommes qui lui réclamaient son Sac. Une altercation. Deux coups. Deux tirs. Pan, pan. Fin.
Notre Artiste !
Notre Héros.
Mort au combat. Juste après avoir exercé son métier de cœur.
Il était à peine 19 heures, ce 17 mai. Jour de libération pour le Congo. Désormais, jour du début d’un combat pour la survie de la vie d’artiste.
Fin d’une vie. Fin d’une âme artistique. Un avenir. Une étoile.
« La vie est une pute », l’a-t-il dit de son vivant.
Depuis les firmaments, garde à l’esprit que même mort, à travers ton art, nous voyons encore la lumière de la littérature noire.
TOTELEMA pona lobi ya littérature na biso.
To… TELEMA !
To… TELEMA !
La vie physique s’arrête avec l’arrêt du cœur.
La vie d’artiste commence lorsque sa voix pénètre les cœurs.
Bandeko, TOTELEMA.
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