Un sachet d’espoir
Un sachet d’espoir est une histoire de Bellarmine Kunka, racontée avec sensibilité dans une nouvelle de Georges Kalassa, où une stagiaire bouleversée par la détresse d’une mère découvre, à travers un simple geste d’écoute, un éclat d’humanité symbolisé par un sachet de trois avocats offerts en remerciement.

C’était une journée pas comme les autres. Tout était calme. Tellement calme que je commençais sérieusement à m’ennuyer. Moi qui m’étais habituée aux tumultes du quotidien, ces présumés coupables toujours « innocents », comme ils aiment le dire, ces plaignants, et surtout ces plaignantes, qui feraient parfois mieux de rester chez elles, je trouvais ce silence presque inquiétant.
D’habitude, entre les vas-et-vient incessants, les cris, les disputes, les arrestations, il était impossible de souffler. Mais aujourd’hui, c’était différent.
- Encore deux heures avant la fin du service, me disais-je, désespérée de vivre quelque chose de palpitant, d’unique… bref, de me sentir vivante.
J’avais donc sorti mon bouquin de droit constitutionnel, histoire de passer le temps. La lecture était captivante. Je dévorais les pages comme un fauve affamé, un vrai régal !
Mais mon immersion fut interrompue par l’arrivée d’une maman, venue rendre visite à son fils, incarcéré pour vol. La pauvre femme pleurait à chaudes larmes devant le capitaine. Impossible de ne pas lui prêter attention. Elle ne cessait de clamer l’innocence de son fils, tandis que ce dernier, silencieux, regardait le capitaine avec des yeux pleins de larmes, espérant une once de pitié. Mais le capitaine restait inflexible : sans le paiement de l’amende de 500 000 francs, le jeune garçon ne sortirait pas !
La maman, ne voyant aucune issue, alla s’asseoir sur un banc, abattue, et ne dit plus un mot.
Je l’observais du coin de l’œil. Elle me faisait une peine immense. Mais que pouvais-je faire ? Je n’étais qu’une stagiaire, une simple stagiaire. Je ne faisais que ce qu’on me demandait. D’ailleurs, c’est ce qu’il faut faire si je veux obtenir une bonne évaluation.
Mais… zut ! me suis-je exclamée intérieurement.
Je quittai ma place et allai m’asseoir à ses côtés. Elle fixait un point invisible devant elle, comme si elle était la seule à voir ce qu’il y avait là-bas.
- Jambo yenu, maman, lançai-je doucement, pour instaurer un climat de confiance.
- Jambo sana, mtoto yangu, répondit-elle d’une voix lourde de tristesse. À travers son timbre, on pouvait sentir toute la douleur qui l’écrasait.
J’aurais bien voulu lui demander comment elle allait, mais cette question me parut inutile. Je connaissais déjà la réponse.
Alors je lui dis simplement, pour tenter de l’apaiser un peu :
- Maman, kama mnataka kumsaidia mtoto yenu, il faut kupata avocat wa bien.
- Ndjo vile, dada !? demanda-t-elle, comme si une lumière venait soudain de s’allumer.
- Ndiyo, maman, répondis-je.
Son visage s’illumina. Une éclaircie venait enfin de traverser sa tempête intérieure. Elle se leva d’un bond et sortit en courant. Il restait environ trois quarts d’heure avant la clôture du service, ce vendredi. Elle n’avait donc qu’une trentaine de minutes pour revenir !
Je repris ma place et ma lecture. À peine quelques minutes s’étaient écoulées que la maman réapparut, tenant un sachet à la main. Elle se dirigea droit vers moi.
- Dada, yo iyi !
Je ne comprenais pas tout de suite. Puis elle posa le sachet sur ma table et ajouta fièrement :
- Au lieu ya avocat moya, mina leta three !
Je regardai à l’intérieur : trois avocats bien verts, bien mûrs. Elle conclut son geste avec un sourire sincère et un brin de fierté :
- Na iyi sha ta toka sasa, hein ?
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